Auteur : Penda MBOW [1]
Au Sénégal comme dans la plupart des pays sous-développés, la religion occupe une place centrale et a tendance à régir toute la psychologie collective. Ainsi la recherche en sciences sociales accorde une place primordiale à la compréhension de son impact sur les relations inter-individus. Les crises d’ordre économique, morale et surtout d’identité, contribuent à faire de l’Islam, une religion en pleine expansion. Les tentatives nouvelles de définir la foi sont au cœur du débat intellectuel pour beaucoup de Sénégalais ; par conséquent le statut de la femme avec ses corollaires comme l’avortement, la planification familiale, la question du divorce, la polygamie… n’échappent pas à la réflexion émanant de milieux aussi bien religieux que féministes. Pourquoi l’importance de ce débat et où réside son intérêt ?
La société sénégalaise, à l’instar de ce qui se passe dans beaucoup de pays africains, est en pleine mutation. La crise économique ainsi que celle des valeurs projettent la femme au devant de la scène. Elle se situe au cœur du débat sur la modernité, la citoyenneté au Sénégal. Elle revendique plus d’instruction, plus de place dans les sphères de décision et une application intégrale de l’option démocratique par notre pays. Seulement pour freiner son élan, on invoque souvent les textes sacrés. Afin de combattre la manipulation, les femmes se mettent à l’école de l’exégèse coranique pour trouver des arguments allant dans le sens de l’égalité des droits. Peut-on par exemple, à partir des textes, combattre la polygamie, justifier l’autorité parentale ? Dans quelles conditions, une musulmane peut-elle s’adonner à la contraception ou à l’avortement, sans entrer en contradiction avec sa foi ?
Les femmes sont, aujourd’hui, en mesure de démontrer que la tension qu’on essaie d’entretenir entre les forces de modernisation assimilées, à tort ou à raison, à une tentative d’occidentalisation et un conservatisme d’essence musulmane, peut ne pas avoir de bases solides car :
– le Coran avait donné à la femme, à l’époque, un statut juridique supérieur à celui des autres femmes dans le monde ; – son sort varie d’un pays musulman à l’autre ; – jusqu’au milieu du XXème siècle, les modes de vie dans les pays occidentaux n’étaient guère différents. Seule la mobilisation des femmes a fini par faire la différence.
– Enfin, dans le difficile combat pour l’émancipation, la cible des musulmanes est moins la religion que les structures sociales et mentales sclérosées. Une exégèse des textes à la lumière de l’évolution s’avère comme un impératif d’où l’importance de l’Ijtihadj ou effort d’interprétation personnelle.
Avant d’en venir à l’objet de notre étude, l’Islam et le statut de la femme, il serait intéressant de définir très rapidement les contours de l’islamisation au Sénégal. Pour un meilleur éclairage des changements introduits par l’Islam, on évoquera la place de la femme en Afrique précoloniale. La dernière partie sera consacrée aux mutations.