« Docteur Miracle », « l’homme qui répare les femmes »… Des surnoms hérités après une vie passée au service des femmes victimes de violences sexuelles dans son pays.
Dans son hôpital de Panzi fondé en 1996 à Bukavu, dans le Sud-Kivu, à l’est de la République Démocratique du Congo, Denis Mukwege opère chaque jour jusqu’à 30 femmes dont les organes génitaux ont été détruits dans des viols collectifs.
Des actes courants dans cette zone en proie aux groupes armés qui sèment la terreur dans la région depuis la chûte du régime de Mobutu, il y a près de 20 ans. Il a reçu aujourd’hui le prix Nobel de la paix.
Pasteur et fils de pasteur, Denis Mukwege nait le 1er Mars 1955 à Bukavu . Diplômé en médecine pédiatrique, en 1983, au Burundi, le Dr Mukwege se spécialise en gynécologie-obstétrique en France pour mieux répondre aux besoins de la population locale.
Une vie de combat en faveur des femmes
Après le génocide rwandais et la chûte de Mobutu, le sud-Kivu bascule dans l’horreur et les femmes payent un lourd tribu dans ce conflit sans fin.
« La région où je vis est l’une des plus riches de la planète (…) [où] le corps des femmes est devenu un véritable champ de bataille, et le viol est utilisé comme une arme de guerre », déclarait-il dans son discours de réception du Prix Sakharov devant le Parlement européen en 2014.
Les combattants des milices ne font aucune distinction violant aussi bien les femmes âgées que les fillettes en bas âge, parfois âgées d’à peine quelques mois.
Des actes sexuels censés leur conférer des pouvoirs magiques d’invincibilité. Bien souvent, ils n’hésitent pas à détruire les appareils génitaux de leurs victimes en y insérant leurs baïonnettes ou tout autre objet tranchant.
Lire aussi
Denis Mukwege et Nadia Murad Prix Nobel de la Paix
RDC: début d’un procès pour viol en masse
« Ces crimes à caractère sexuel détruisent la femme et la société et engendrent des enfants qui n’ont pas de filiation. Ils peuvent être des actes constitutifs de génocides, car quand l’appareil génital de la femme a été détruit, il n’y a plus de procréation possible », affirmait-il lors d’un entretien.
Les femmes violentées sont exclues socialement et subissent de lourdes conséquences sur le plan médical, tel que les fistules obstétricales.
Tentative d’assassinat
Le Dr Mukwege et son équipe leur apportent les traitements nécessaires ainsi qu’une aide juridique pour pouvoir porter plainte contre leurs agresseurs.
Fuyant le pays après une tentative d’assassinat à son domicile en octobre 2012, il revient poursuivre son travail après une forte mobilisation des femmes de sa région. Régulièrement menacé, il est placé sous protection de l’ONU.
Fréquemment cité parmi les favoris pour le prix Nobel de la paix, le Dr Mukwege a reçu de nombreuses distinctions dont le Prix des droits de l’homme des Nations unies, le Grand Prix de la fondation Chirac pour la prévention des conflits, le Prix Right Livelihood, considéré comme le prix Nobel alternatif, ou encore le Prix Sakharov.
En 2016, le magazine Time le cite dans son classement des cent personnes les plus influentes au monde. Actif sur le plan politique, il avait appelé à une transition sans Joseph Kabila.