J’ai eu envie de témoigner après avoir écouté cet épisode de Coucou le Q, le podcast de madmoiZelle sur la sexualité.
L’auditeur qui y témoigne, c’est Quentin, un homme dont la copine (avec laquelle il compte se marier) n’a plus envie de faire l’amour. Sa détresse m’a énormément touchée.
Je me suis retrouvée dans la situation de sa future femme durant 10 ans : je ne voulais plus de sexe. À l’époque, j’avais cherché en vain des témoignages de personnes dans la même situation que moi sans en trouver.
Aujourd’hui, je souhaite raconter mon histoire, et peut-être permettre à d’autres, de trouver des solutions.
Quand le désir sexuel n’est pas là…
Pour resituer un peu le contexte, j’ai eu mon premier rapport sexuel relativement tard, vers 21 ans.
Je ne me masturbe pas, la découverte de mon corps par moi-même ne m’intéresse pas, j’en suis relativement détachée. J’ai besoin d’interactions, de jeux avec l’autre pour que mon désir monte.
Il y a une quinzaine d’années maintenant, je me suis mise en couple avec John. Je n’avais jamais eu de relations sérieuses avant lui, j’avais déjà couché avec quelques garçons, mais ces histoires n’avaient duré que quelques mois.
Entre nous, ce fut très vite et très fort : il était l’homme que j’avais désiré avoir à mes côtés durant des années. Gentil, attentionné, je partageais une complicité avec lui que je n’avais connue avec d’autres.
Tout allait bien entre nous… sauf le sexe.
Mon désir pour lui s’est vite essoufflé, en à peine quelques mois. Pourtant notre relation se passait extrêmement bien. Dans la vie de tous les jours, il faisait tout son possible pour que tout se passe bien entre nous, il était extrêmement attentionné et aimant.
Il était très tactile et câlin, mais cela ne déclenchait rien chez moi. Je me sentais un peu comme anesthésiée sexuellement.
À l’inverse, lui ressentait une curiosité à explorer et à tester de nouvelles pratiques, et un désir très intense me concernant.
La potentialité d’être asexuelle m’a traversé l’esprit mais cela ne collait pas avec mes expériences précédentes dans lesquelles j’avais ressenti désir et plaisir.
Différence de libido et frustration
Cette situation nous faisait culpabiliser tous les deux : moi, de le rejeter et lui, d’insister pour que nous couchions ensemble.
Il ne s’aimait pas physiquement, et avait besoin que je l’accepte totalement, moi, la femme avec qui il avait choisi de vivre et avec qui il voulait tout partager.
Plus je le rejetais, plus son désir l’oppressait, plus il ressentait le besoin de l’assouvir.
La frustration agissait sur lui comme une torture psychologique mais aussi physique, car il se sentait sous pression tout le temps.
Il n’était pas question pour nous d’avoir une relation libre. Donc s’il n’avait pas d’activité sexuelle avec moi, avec qui l’aurait-il ?
Nous sommes finalement arrivés à un compromis : nous couchions ensemble environ une fois par semaine et/ ou je le « soulageais » par un autre moyen.
John y trouvait à peu près son compte, mais au bout de quatre ans, j’ai fait une « crise existentielle».
Une première séparation et un début d’explication
Je venais de terminer mes études, j’avais signé un CDI et j’avais le sentiment, à 26 ans, d’avoir la vie d’une fille de 40 ans.
J’ai quitté John sur un coup de tête et je me suis mise avec un autre mec, Éric, pendant quelques mois.
Cette nouvelle relation m’a bouleversée. J’ai eu l’impression de sentir mon corps se réveiller après des années d’hibernation. Je ressentais enfin du désir et du plaisir.
J’ai commencé à être suivie par une psy à partir de ce moment-là. J’avais besoin d’y voir un peu plus clair. Je me sentais en plein tourbillon avec tout un tas d’émotions contradictoires.
J’aimais toujours John, profondément, je ne comprenais pas vraiment ce qui m’avait poussée à partir, et je me mettais à kiffer le sexe comme par permis avec un quasi inconnu.
J’ai fini par me rendre compte que j’étais partie car j’étais en colère contre John. Je lui en voulais de m’avoir autant fait subir sa frustration, de m’être senti aussi souvent « obligée » de le soulager.
Faire l’amour pour faire plaisir
Il ne m’avait jamais forcée physiquement à quoi que ce soit et j’ai toujours été consentante lorsque nous avions des rapports mais je le faisais principalement pour lui faire plaisir.
Il le savait, je n’ai à aucun moment simulé, mais cela ne l’empêchait pas de réclamer des pipes ou autres moyens de « le soulager ».
Souvent, je disais non. Et parfois, car j’étais fatiguée, ou parce que j’avais envie de lui dire plaisir je disais oui, car le rejeter et lui faire du mal me faisaient du mal à moi aussi.
Notre rupture a agi sur lui comme un électrochoc : il a pris conscience de l’oppression qu’il m’avait fait subir.
Nous nous sommes rendu compte un an après notre séparation que nous nous aimions toujours et nous avons décidé de nous remettre ensemble.
Une deuxième chance et des progrès
Le sexe se passait beaucoup mieux. J’avais un peu plus de désir et je ressentais parfois même du plaisir.
Il est sûr que, comparé à ce que j’avais gouté avec Éric, cela semblait bien fade. Mais j’étais incapable d’expliquer cette différence.
Nous sommes restés ensemble cinq ans de plus, puis il m’a quittée, en grande partie à cause du sexe.
Pour des raisons professionnelles, j’avais dû m’absenter durant plusieurs semaines et sans moi près de lui, il s’est rendu compte qu’il n’était finalement plus frustré.
J’agissais un peu comme un bout de chocolat que l’on vous met au bord des lèvres sans que vous puissiez y goûter, quelque chose d’impossible à atteindre donc de désirable.
Il trouvait que j’avais une sexualité de « petite fille ». Il voulait d’une femme sans complexes au lit, qui s’assume et s’amuse, ce que je n’ai jamais été capable d’être avec lui.
Il s’est mis dans la foulée avec une autre femme et s’est rendu compte qu’il était capable de susciter l’envie et de donner du plaisir.
Pourquoi je n’avais jamais envie de sexe
La reconstruction suite à cette rupture a été éprouvante, et j’ai mis trois ans à en faire le deuil.
Ce n’est qu’au contact d’un nouveau psy et à la rencontre de mon copain actuel que j’ai enfin pu mettre des mots sur tous mes blocages sexuels avec John.
La base de tous les problèmes était l’impossibilité de pouvoir avoir réellement confiance en lui.
Car il insistait pour du sexe malgré mon manque de désir. Car je le sentais essayer de me « dominer », plutôt que de se concentrer sur ce que je voulais ou non.
Car il était beaucoup trop borderline, quand il tentait par exemple de placer ses mains sur des zones qui ne me plaisaient pas, malgré mes demandes répétées de ne pas le faire.
Après notre première séparation, même si je lui avais pardonné son comportement passé et même si notre sexualité s’était un peu améliorée, mon corps, lui, ne pouvait oublier.
Le passif était trop lourd : je n’ai jamais pu me détendre et m’abandonner à lui.