Dans la plupart des grands marchés d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, dans certains magasins de vêtements locaux ou même en ligne, il est facile d’acheter des sacs ou des chaussures de Michelle Obama ou encore des crayons de (Kwame) Nkrumah.
Sauf que ce ne sont vraiment pas des articles que l’ancienne première dame des États-Unis a portés ou dont le premier président du Ghana s’est servi. Ce ne sont même pas de vrais chaussures, de vrais sacs à main ou de vrais crayons.
Pourtant, lors d’une sortie aux emplettes en milieu de matinée, un de ces jours du mois de janvier dernier, Hawa Diallo et Naa Ayorkor Tetteh arpentèrent les allées bondées du Marché HLM de Dakar, la capitale du Sénégal, à la recherche des bonnes affaires sur l’un ou l’autre de ces articles. Le marché est réputé être le haut-lieu des tissus en tout genre.
En fait, les chaussures, les sacs à main ou les crayons après lesquels les deux amies étaient n’étaient que des noms, certes populaires, de pagnes à motifs et couleurs particuliers – spécifiques à l’un des matériaux vestimentaires de longue tradition et des plus répandus en Afrique occidentale et centrale : un tissu 100 % coton, coloré et au design assez élaboré, communément appelé « wax hollandais », « ankara » ou « kitenge ».
« Extrêmement bigarré, densément structuré et incroyablement fabuleux » ; ainsi Sara Archer, écrivain d’art, a-t-elle décrit le « wax hollandais » dans son reportage de 2016 pour Hyperallergic, un magazine américain d’art et de culture en ligne. À l’époque, le tissu et la mode qu’il a inspirés étaient à l’honneur d’une exposition officielle au Philadelphia Museum of Art, ville américaine à environ une heure et demie de route de New York.
L’origine du tissu imprimé et sa popularité en Afrique remontent au milieu des années 1800, lorsqu’une société néerlandaise, aujourd’hui appelée Vlisco, en faisait le commerce dans les villes côtières d’Afrique de l’Ouest. Depuis lors, le tissu est devenu un incontournable de la mode africaine.
La désignation « wax hollandais » est apparue à cette époque. Aujourd’hui, elle sert à identifier tout tissu imprimé, de semblable apparence, indépendamment du fabricant ou de la technique d’impression.
Au cours des dix dernières années, la popularité du tissu a débordé le continent. Elle s’est répandue notamment auprès de la diaspora africaine et des communautés afro-américaines aux États-Unis.
Mais au-delà de la mode, cette tradition, unique, qui consiste à nommer les motifs au fur et à mesure de leur arrivée sur le marché en a fait l’une des meilleures chroniques des événements historiques et contemporains, reflétant les tendances sociales ou célébrant les rites sociaux de passage.