Ce n’est pas parce que vous adorez faire l’amour le dimanche matin que vous êtes d’un ennui mortel. Le sexe doux et routinier, souvent appelé de manière péjorative « sexe vanille », est aussi synonyme de plaisir.
Pimenter son couple, décupler ses orgasmes, tester la dernière position en vogue telle que l’aigle déployé ou le speed bump… Alors que la pop culture nous envahit de nouvelles sexualités alternatives, il n’est pas étonnant de voir que faire l’amour dans un lit de la façon la plus classique qui soit ait mauvaise réputation. Cette sexualité conventionnelle porte un nom : le sexe vanille. Ce terme apparu dans les années 1970 désigne toute activité sexuelle ne relevant pas du sado-masochisme ou de l’éventail queer, alors en plein essort dans le milieu à l’époque.
Qu’est-ce que le « sexe vanille » ?
La bible des Millenials, l’Urban Dictionary (dictionnaire urbain, NDLR), qualifie le sexe vanille de « relations sexuelles n’impliquant ni rebondissements, ni fétiches ou sado-masochisme ». Il s’agirait de « sexe ordinaire et régulier, typiquement doux, joyeux et romantique ».
Notons que le mot « vanille » est surtout utilisé par les personnes refusant de s’y livrer, de façon dépréciative. Mais alors pourquoi cet arôme ? Car la vanille est réputée pour être un parfum classique, voire banal. Tout le monde aime la vanille. « Cela fait allusion principalement à la glace à la vanille qui est considérée comme le parfum le plus basique », explique John Kelly, chercheur au sein de Dictionnary.com, à Slate.
La plupart des gens l’utilisent pour décrire des relations sexuelles qui semblent simples et classiques. Le missionnaire serait donc le summum de l’ennui. « Dans l’inconscient, le missionnaire évoque la position « facile » du couple ensemble depuis longtemps, une position effectuée de façon routinière tous les samedis soirs » affirme Charlotte Tourmente, médecin et sexologue. « Celle du père et de la mère de famille qui n’ont plus le temps ni l’énergie pour la sexualité ».
D’où vient la honte du sexe vanille ?
« Nous vivons dans une société consommatrice, où la nouveauté et la surenchère de pratiques sont considérés comme beaucoup plus intéressantes. Il faudrait une sexualité toujours plus osée, toujours plus transgressive… (Or elle ne correspond pas à tous les couples et elle n’épanouirait pas tous les couples) » constate la sexologue. Elle ajoute : « Par contraste avec cette sexualité relayée dans les médias et sur internet, la sexualité plus « classique » peut sembler plus ennuyeuse et moins attrayante. Mais dans les faits, un missionnaire peut apporter beaucoup de plaisir et vanille n’est pas forcément synonyme de raté ! Tout dépend de ce que l’on met derrière ce terme, de comment il est pratiqué et de la façon dont les couples le vivent ».
La pornographie a également contribué à banaliser les relations sexuelles sauvages, voire violentes. « La pornographie est une mise en scène, elle privilégie les positions où l’on voit le mieux la pénétration et qui sont les plus ‘spectaculaires’, et non la sexualité plus banale et plus souvent pratiquée » explique Charlotte Tourmente. « Mais il y a aussi l’évolution de la société, qui aime la variété, le zapping, la découverte, qui ne supporte pas l’ennui et l’importance de la performance à tous les niveaux… Tout n’est pas la faute du X » . Dans les relations de couple, l’ennui et la routine ont mauvaise presse. Elles sont pourtant inévitables, comme le rappelle la sexologue. Comme le bisou du matin, le vendredi soir devant Koh-Lanta ou le brunch du dimanche, faire l’amour tranquillement le week-end fait partie de ces petites routines partagées avec l’autre qui font du bien. Les philosophes parlent d’ailleurs de réhabiliter l’ennui comme favorable à la créativité, au point que l’oisiveté devient un art de vivre aux Pays-Bas, le « niksen ».
Le sexe vanille, rassurant et réconfortant
En faisant un parallèle avec l’alimentation, c’est le jambon-coquillettes de l’alimentation (un côté rassurant, réconfortant et on n’a pas à faire d’effort) !
Les femmes interrogées par le magazine InStyle s’accordent à dire que le sexe vanille est plus intime et vulnérable qu’un ébat torride. « C’est mon préféré parce que nous sommes face à face et que j’ai l’impression d’être protégée. Mais en même temps, je n’aime les missionnaires qu’avec les personnes dont je suis amoureuse à cause de ces raisons vraiment intimes » déclare Jasmine, 34 ans.
« Le sexe vanille est rassurant. Je sais à quoi m’attendre, et je n’ai pas à me soucier de sortir la lingerie ou de créer un jeu de rôle fantastique élaboré où je suis Daenerys et mon mec joue Khal Drogo. Je sais à quoi m’attendre, et je peux être moi-même, sans pression » écrit la journaliste Jessica Migala pour Women’s Health. Car le sexe vanille ne signifie pas forcément éteindre les lumières, gémir doucement plusieurs fois, puis se retourner pour dormir. C’est aussi faire l’amour en se sentant à l’aise et en confiance. Pour Charlotte Tourmente, il s’agit d’opter pour des relations sexuelles qu’on sait agréables et efficaces :« La sexualité routinière peut être celle que le couple adopte quand il est fatigué ou pressé, parce qu’il sait qu’elle fonctionne bien et qu’elle apporte du plaisir facilement ». Comme le souligne la sexologue, tout est question de juste mesure. « Si la sexualité est toujours la même chose, tout le temps, elle risque de finir par lasser ».
Il n’y a pas de sexe « normal »
« Tous les couples ont tendance à répéter le même enchaînement de pratiques, ce que l’on appelle le même schéma sexuel. Cela ne pose pas de problème si cet enchaînement donne du plaisir aux deux partenaires et leur convient » note Charlotte Tourmente. « En faisant un parallèle avec l’alimentation, c’est le jambon-coquillettes de l’alimentation (un côté rassurant, réconfortant et on n’a pas à faire d’effort) ! »
Pour autant, on peut aimer le sexe vanille et pratiquer également le BDSM, tout comme on peut apprécier à la fois le quickie et le slow sex. « La diversification évite souvent la lassitude et permet d’entretenir le désir » concède l’experte. « Cet enchaînement de pratiques routinières correspond chez d’autres couples à un schéma sexuel pré-établi, hérité de ce que la ‘sexualité est et doit être’ dans les couples hétérosexuels » avertit toutefois Charlotte Tourmente. « Le plus souvent, il s’agit de l’enchaînement fellation (plus rarement cunnilingus)/pénétration/éjaculation. Or la majorité des femmes ne jouissent pas avec une pénétration seule… »
Pour la médecin, « varier les pratiques, associer les stimulations du clitoris, privilégier les positions où elle a le plus de sensations » assure davantage de plaisir à la femme, et aux deux partenaires. Sans céder aux injonctions à la performance et à la nouveauté, apporter de la variété de temps en temps, aussi bien dans les lieux où l’on fait l’amour, que dans les positions ou la durée de l’ébat, stimulera le désir et le plaisir. Et rappelons-le, il n’existe pas de « normalité » en matière de sexe. Les pratiques sexuelles ne devraient pas être hiérarchisées, que l’on soit adepte de sexe doux et baisers langoureux ou de sado-masochisme, du moment qu’elles s’inscrivent dans le consentement mutuel des deux partenaires. Alors non, vous n’avez pas à rougir d’aimer la vanille, au contraire ! Vous vous connaissez assez bien l’un.e et l’autre pour trouver votre bonheur dans cette routine sexuelle.
Merci à Charlotte Tourmente, médecin et sexologue, autrice de Sclérose en plaques et talons aiguilles, éditions First